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Les supports de l'information

Environ deux tiers des Français suivent l'actualité plusieurs fois par jour, se tournant de plus en plus vers les réseaux sociaux, d'après une étude de l'institut Médiamétrie,  réalisée du 27 janvier au 16 février 2016 auprès de 3.105 individus de 18 ans et plus par téléphone ou en ligne.

Une large majorité de Français (90%) s'intéresse à l'actualité au moins une fois par jour, tandis que 63% la consultent plusieurs fois par jour.

Les Français s'informent en majorité avec les journaux télévisés (8 personnes sur 10), les chaînes d'information en continu (52%), les radios généralistes ou d'information (49%) et la presse (49%).

 En 2016, 17% des personnes interrogées qui consultent l'actualité le font via les réseaux sociaux. Facebook est le réseau le plus utilisé devant Twitter.

88% des individus interrogés consultent en premier lieu les articles et les vidéos partagés par leurs proches. L'actualité locale et internationale, les sujets santé/sciences et enfin la culture intéressent le plus les Français. 

77% des 18-24 ans ont l'habitude d'utiliser le numérique pour s'informer. C'est une évolution majeure qui s'amplifie chaque année.

Perte de la crédibilité des médias

La confiance dans l’information relayée par les médias chute elle aussi, mais la hiérarchie des médias les plus crédibles reste la même depuis plusieurs décennies. La radio reste ainsi le média qui fournit l’information la plus fidèle à la réalité, et le seul crédible aux yeux d’une majorité de Français : 52% estiment que les choses se sont passées vraiment ou à peu près comme elle les raconte. La presse et la télévision eux, font face à une baisse importante de leur crédibilité, à 44% (-7 points) et 41% (-9 points) : pour plus d’un Français sur deux (55%), il y a des différences, ou bien les choses ne se sont pas passées du tout comme la télévision les raconte. Quant à Internet, 26% seulement des Français font confiance à l’information qu’il relaye, contre une majorité (52%) qui ne la juge pas crédible. C'est le grand paradoxe des médias aujourd'hui: le numérique qui gagne chaque année en audience, est également le support jugé le moins fiable.

Sondage réalisé sur un échantillon national de 1011 personnes, représentatif de l’ensemble de la population âgée de 18 ans et plus. Les interview ont été réalisées en face à face, du 5 au 9 janvier 2017.

Le poids de l'information

Fake news​

Les fake news sont des informations fausses ou truquées (fake veut dire en anglais « faux, truqué ») émanant en général d'un ou de plusieurs médias. Elles participent à des tentatives de désinformation, que ce soit via les médias traditionnels ou via les médias sociaux, avec l'intention d'induire en erreur dans le but d'obtenir un avantage financier ou politique. Le fait de diffuser de fausses informations de manière volontaire n'est pas nouveau. Dans chaque conflit, la propagande cherche à induire l'ennemi en erreur. De même certaines multinationales (par exemple le tabac) ont souvent cherché à diffuser de fausses études ou des informations tronquées pour masquer les dangers de leurs produits. La nouveauté c'est la multiplication des cellules de fausses informations et surtout leur diffusion exponentielle vie le numérique et les réseaux sociaux. 

Les articles de fake news emploient souvent des titres accrocheurs ou des informations entièrement fabriquées en vue d'augmenter le nombre de lecteurs et de partages en ligne. Elles sont donc bénéfiques pour ceux qui les publient.  Les fils d'actualité de Facebook et de Twitter ont été impliqués dans la propagation de fake news. Le fait que les rédacteurs soient anonymes rend difficile la poursuite pour calomnie. Elles se développent aussi sur la méfiance que nourrit la population envers les médias

Sur Internet, le phénomène n'est pas nouveau. «Au début, il y avait les “hoax” qui circulaient par mail puis sur des blogs. Avec le développement des réseaux sociaux, les fake news ont atteint en quelque sorte leur paroxysme», rappelle Guillaume Brossard. Ce qui est nouveau, c’est la manière dont ces informations fausses sont reprises dans la politique. Les exemples sont nombreux aux USA: le certificat de naissance de l'ancien Président Obama serait faux (or s'il n'était pas né sur le sol américain, il n'aurait pas été éligible), Hillary Clinton aurait été au courant de l'attaque contre l'ambassade américaine en Libye, etc. Mais beaucoup de fake news ont été diffusées lors des attentats de Paris : la voiture des frères Kouachi n'était pas la même sur les photos diffusées, les services secrets étaient au courant de l'attentat du Bataclan, etc. 

La reporter Mathilde Boussion de la revue XXI s’étonne du degré de crédulité des gens. Elle trouve la situation très inquiétante. Elle est ainsi tombée sur des fake news lors des élections américaine sur Facebook : « Quand je vais sur ces sites, ca me paraît tellement évident que rien n’est crédible, que j’ai du mal à comprendre comment les gens peuvent faire confiance à une info comme celle ci »

Elle trouve cela dommage que l’on arrive pas spontanément à faire davantage la différence entre une information sérieuse et une fake news.

« Je pensais que c’était plus compliqué de duper les gens »

Selon Anne Jouan, ancienne journaliste d’investigation au Figaro et désormais à Ebdo, au contraire « Il y a moins de fake news aujourd’hui mais on les voit plus. Il y a cinquante ans il y en avait autant : des rumeurs, des articles faux. La seule différence c’est qu’aujourd’hui on peut les dénoncer. Il y a une recrudescence des signalements, mais pas des fake news en elles mêmes. A l’époque de la première guerre mondiale, on pouvait tout dire sans pouvoir vérifier à l’aide des sites internet ou des réseaux sociaux. » 

Lutter contre les fake news

Le site Buzzfeed a publié son analyse annuelle sur les fake news. En 2017, sur Facebook, les 50 informations fabriquées les plus populaires ont généré 23M d’engagements (plus de 400.000 partages, commentaires, etc par post) En 2016, c’était 21M.

On ne peut donc pas parler d’explosion. Mais BuzzFeed pointe que cette progression intervient alors même que Facebook se vante du succès des systèmes de filtrages anti-fake news mis en place cette année…

Les sites Web spécialisés dans la publication de fausses informations sont exclus de sa plate-forme de publicité. Plusieurs médias sont en partenariat avec Facebook (dont le Monde en France).

Quand les internautes signalent un contenu comme douteux, les médias partenaires vérifient l’information et indiquent à Facebook s’il s’agit effectivement d’une fausse information. Dans ce cas, Facebook préviendra les utilisateurs en indiquant, près du contenu, « qu’il existe des rectificatifs supplémentaires », et proposera d’autres sources d’information.

Le réseau social a annoncé, une dizaine de jours avant le premier tour de l’élection présidentielle en France, avoir supprimé 30 000 comptes français « non-authentiques » relayant de fausses informations. En décembre, une enquête du Monde recensant 1 198 pages ayant diffusé au moins une fausse information a pu constater que 12 % de ces pages avaient fini par être supprimées ou suspendues.

Les fausses informations ont souvent pour point commun de se montrer très attirantes par leur titre– et, par conséquent, de générer un grand nombre de partages, « j’aime » et commentaires. En décembre 2017, Facebook a annoncé que les personnes recourant à ce genre de technique verraient la visibilité de leurs publications réduite, fake news ou non.

Facebook a annoncé plus de transparence pour les publicités diffusées sur sa plate-forme aux Etats-Unis et au Canada. L’entreprise veut vérifier l’identité des annonceurs, et permettre aux internautes d’accéder, pour chaque publicité, aux informations le concernant. Comme son identité ou les autres messages qu’il a financés sur le réseau social. 

Google 

Si les fausses informations ne se propagent pas sur Google de manière virale comme sur les réseaux sociaux, le premier moteur de recherche au monde a parfois tendance à valoriser ces contenus en réponse à certaines requêtes.

En décembre 2016, l’entreprise avait par exemple été épinglée pour avoir fait remonter en première position un site négationniste à la requête « L’Holocauste a-t-il existé ».

Google a modifié son moteur de recherche. L’objectif est de remonter davantage les pages fiables et  de dévaloriser les contenus « de faible qualité ».

Comme Facebook, Google a annoncé en novembre 2016 qu’il allait « interdire les publicités sur les contenus trompeurs », en empêchant les sites spécialisés dans les fausses informations de faire appel à sa publicité.

Google a mis à jour son règlement concernant les sites apparaissant dans Google actualités en leur interdisant de dissimuler ou déformer leur identité et leurs intentions.

Google a conclu un partenariat avec l’International Fact Checking Network, une organisation visant à promouvoir le « fact-checking », c’est-à-dire la vérification d’informations. Les articles des médias membres vérifiant des informations sont signalés comme tels sur le moteur de recherche.

Mais surtout, et c’est ça le plus dérangant, BuzzFeed démontre que lutter contre les fausses informations en leur opposant des faits vérifiés est inutile. Selon leurs chiffres, le factcheck d’une fausse information génère 0,5% des engagements totaux sur ce sujet ; dit autrement la fake news concentre 99,5% des marques d’intérêt des lecteurs !

Twitter

Twitter considère que les utilisateurs eux-mêmes sont les plus à même de lutter contre les fausses informations.

Le réseau social s’est montré moins actif que Google et Facebook au sujet des fausses informations.

Colin Crowell, chargé des politiques publiques de Twitter explique qu’ils ne « peuvent pas examiner la véracité des tweets de chaque personnes. »

La solution repose, selon lui, dans les utilisateurs eux-mêmes, « les journalistes, les experts et les citoyens engagés tweetent côte à côte pour corriger et remettre en question les paroles publiques, en quelques secondes ».

Cependant l’entrepris a mis en places quelques politiques.

Ils essaient de faire remonter les contenus « les plus pertinents ».  Mais la plupart des messages affichés sur Twitter le sont par ordre de publication – l’algorithme du réseau social n’y joue donc aucun rôle.

L’équipe et les ressources allouées à la lutte contre les « bots » et les spams seront augmentés. Les bots sont des programmes informatiques tweetant automatiquement du contenu, dont des fake news.

Comme Facebook, Twitter a annoncé que les publicités politiques seraient soumises à un contrôle plus strict, comme celui de l’identité de l’annonceur.

Emmanuel Macron a annoncé mercredi 03 janvier qu’un texte de loi serait déposé prochainement pour lutter contre la diffusion de fake news sur Internet lors des périodes électorales.

Le président français, lui-même objet de nombreuses fausses informations amplement relayées sur les réseaux sociaux durant la campagne présidentielle, a dénoncé « cette propagande articulée avec des milliers de comptes sur les réseaux sociaux » qui « en un instant répandent partout dans le monde, dans toutes les langues, des bobards inventés ». Il a expliqué qu’en cas de propagation d’une fausse nouvelle, cette loi rendrait possible de saisir un juge afin de :

  • Supprimer le contenu mis en cause

  • déréférencer le site

  • fermer le compte de l’utilisateur concerné

  • ou même bloquer l’accès au site internet

L'avocat François Sureau, spécialiste du droit de la presse, a critiqué cette proposition, en montrant les dangers du recours au juge des référés, qui est celui de l'urgence. En effet il existe aujourd'hui des procédures pour condamner les "divulgations de fausses nouvelles". Les juges étudient le fond de l'affaire. Dans le cas des fake news, la plainte prend un circuit rapide qu'on appelle le référé: le juge doit décider dans l'urgence. Or ces procédures sont très complexes et parfois pour une simple erreur dans la rédaction de la plainte, le juge peut prononcer la relaxe, c'est à dire laisser la fausse nouvelle en ligne. Les lecteurs peuvent alors être convaincus que la fake news est vraie parce que la plainte a échoué.

Les fake news, symptôme de la société de communication

Il y a cinquante ans en France, les sources d’information étaient réduites : une dizaine de quotidiens nationaux dont les opinions politiques étaient clairement affichées, deux chaînes de télévision contrôlées par l’Etat, quelques magazines, une radio publique et deux radios privées.

Aujourd’hui il existe trois chaînes de télévision d’information continue (dont BFM qui est très regardée dès qu'un événement dramatique se produit), une radio d’information continue (France Info), une dizaine de chaînes de télévision privées (TF1, Canal + D8, etc.), des centaines de radios, des milliers de sites internet français et étrangers accessibles en un clic, etc.

 

L’information est devenue abondante, multiple, accessible sous toutes les formes possibles et imaginables.

Mais ces informations ne sont pas toutes produites par des journalistes. En 1980 à New York, il y avait cinq journalistes pour un communicant privé (un publicitaire ou un responsable de l’information dans une entreprise). Aujourd’hui il y a cinq communicants privés pour un journaliste. Chaque entreprise, chaque association, chaque ministère produit des contenus de communication : brochures, vidéos, articles promotionnels. Les médias traditionnels sont submergés par cet afflux d’informations pré-digérées, orientées, parfois mensongères. Ils ont du mal à trier ce qui est une information, vérifiée directement, et ce qui est une information préfabriquée par des intérêts privés.

De plus il se produit ce que le sociologue Pierre Bourdieu a appelé "la circulation circulaire de l'information". Un communiqué de presse devient une dépêche d'agence (AFP, Reuters, AP), qui est reprise par cent sites, dix journaux, des milliers de blogs, tweets et de post Facebook. Chacun copie sur l'autre avec de multiples petites modifications de titres et de style. A force d'être répétées, cette information issue d'une source unique prend la forme d'une vérité recoupée des milliers de fois.

Enfin il existe un principe cognitif connu qui est la perte de sens devant l'abondance de choix. Un consommateur devant cinq ou six sortes de sauces tomates va les comparer et choisir. S'il est mis en présence de rayonnages entiers de sauces tomates, il sera perdu et renoncera souvent à son achat. C'est le même principe face à l'information. Avec peu de sources, le lecteur/auditeur/spectateur/internaute peut faire un tri et s'intéresser aux événements. Mais face à production presque infinie d'informations, il risque de ressentir un vertige, voire une anxiété, qui le rend vulnérable aux fake news et aux explications faciles et mensongère des "théories du complot": on nous cache la vérité.

Les médias sont-ils indépendants ? 

Les publicitaires cherchent à contrôler le contenu des médias. C’est vrai dans la presse, les radio et les télévision privées, qui vivent à plus de 70% de la publicité voire à 100% pour TF1, M6, RTL ou Europe 1. Sur internet, c’est la même chose. Les sites d'information vivent soient de la publicité directe (manières, pubs au début de vidéos), soit de contenus sponsorisés qu'on appelle "brand content" en français "contenu de marque". Les producteurs de vidéos d’information gratuites comme Brut ou Konbini par exemple gagnent leur vie en créant pour des produis ou des entreprises, des vidéos mi-information mi-publicité dans le même style que leurs vidéos et qui sont diffusées en même temps que les « vraies » vidéos d’information.

Enfin les industriels cherchent à contrôler les médias pour orienter l’information dans le sens de leurs intérêts. Aux USA le propriétaire d’Amazon, Jeff Bezos, a acheté l’un des deux quotidiens les plus prestigieux le Washington Post,  quand il a été question de voter des lois limitant le pouvoir d’amazon… et ces propositions de loi ont disparu. Car les médias permettent d'influencer l'opinion publique et sont craints par les hommes ou les femmes politiques.

En France les médias nationaux sont possédés par une dizaine d'industriels qui appartiennent souvent aux plus grandes fortunes : Dassault, groupe d’armement possède Le Figaro, Bouygues, groupe de construction et de téléphone possède TF1, Niel, groupe de téléphone possède Le Monde et l’Obs, Drahi, groupe de téléphone possède l’Express et Libération, Pinault, groupe de luxe possède Le Point, Arnault, du groupe de luxe LVMH possède Les Echos, Le Parisien, Bolloré, groupe de transport possède Canal +, Lagardère, groupe aéronautique possède Europe1, Match, JDD. Cette concentration des grands médias dans les mains est très importante en France.

Cela crée une suspicion qui favorise le sentiment que la vérité est contrôlée ou que l’information sert des intérêts privés (publicitaires) ou politiques.

L'information émotionnelle

Dans la société contemporaine, l'individualisme et l'éclatement des familles, des structures sociales classiques, a pour conséquence un certain isolement. De très nombreux citoyens ne se reconnaissent plus pou presque plus dans les corps intermédiaires (partis politiques, syndicats, Eglise, etc.) et s'en méfient.

 

Or cet isolement croissant va de pair avec une augmentation très importante du flux d'informations, qui est une sorte de fil qui nous relie au monde extérieur. Ce fil est d'autant plus important lors des événements qui passionnent tout un pays: élections présidentielles, fait-divers terrible, attentat, catastrophe naturelle, compétition sportive majeure, décès de personnalités. Le fait de vivre de manière collective et réagir tous ensemble à un événement crée un sentiment de solidarité et un lien social éphémère mais très fort.

 

Ces dernières années on a assisté à une hypermédiatisation de ces événements. En France par exemple cela a été lacets ou les attentats de Charlie-Hebdo et de l'hyper casher, pour le Bataclan ou l'attentat de Nice, mais aussi lors de l'arrestation de Dominique Strass-Kahn à New-york ou après de décès de Johnny Halliday. Les médias utilisent ces émotions, pour faire de l’audience.

Il  y a donc une course médiatique pour couvrir de manière intensive (parfois artificiellement) les événements émotionnels. C’est une tendance qui a été analysée par le philosophe François Brune dans son livre « Les médias pensent comme moi ». C’est un terreau qui favorise les fake news.

Cette dimension de l’information/émotion et l’importance du lien social que crée la diffusion à ses proches d’une réaction personnelle à un événement via les réseaux sociaux, expliquent pourquoi nous croyons facilement aux fake news. Elles sont spectaculaires, présentées de manière attractive, jouent sur le sentiment de défiance vis-à-vis des institutions (on nous cache la vérité) et permettent à celui/celle qui les relaient de se sentir important, utile à sa communauté virtuelle.

Bibliographie/Sitographie

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